Lecture analytique de L’huître de Françis Ponge

Je vais vous présenter « L’huitre » de Jacques Réda. La poésie n’a cessé d’évoluer au cours des siècles, et son sens a pris différentes tournures au fil des années, devenant synonyme de sentiments pour certains de beauté pour d’autres. Le 20e siècle comprend nombre de poètes dont l’art répond avant tout à une liberté d’expression que ce soit par le thème abordé, les idées défendues ou les moyens utilisés. Il y a contestation des règles de versification pour laisser les individualités propres s’exprimer.

Francis Ponge, poète français du XXème siècle lui rejette  le lyrisme et pose un regard neuf sur le monde du quotidien. Il s’intéresse aux objets les plus modestes et tente ainsi d’offrir une autre vision des choses en leur conférant une fonction et une beauté nouvelles. Son ambition s’illustre dans son célèbre recueil le Parti Pris des choses publié en 1942 qui décrit des objets du quotidien qui contiennent en réalité tout un monde.

Huitre

UNE DESCRIPTION PRÉCISE

  1. Une description réaliste
  • Description univers marin, vocable de la mer «huître » « mare » « flue » « reflue » « perle » = il replace l’huître dans son milieu naturel
  • Recherche de la précision avec les comparatifs  »plus »  »moins » le poète cherche à donner une image précise de l’huître
  • Analogie, métaphore « galet » = Le poète ne cherche pas ici à embellir l’huître mais à la décrire au plus proche de ce qu’elle est.

> Une description analogique surprenante car elle se construit sur des différences qui ne permettent pas au lecteur d’identifier l’huître au premier abord

2. Une description méthodique

  • Organisation de l’extérieur vers l’intérieur trois paragraphes de plus en plus petits qui correspondent à l’Huître en fonction de sa grosseur
  • Passage de la rugosité à la douceur, allitération en  »r » «  L’huître, de la grosseur d’un galet moyen, est d’une apparence plus rugueuse, d’une couleur moins unie » à un vocable élogieux  »nacre »  »perle »  »halo »  » cieux » Plus la progression du poème se fait plus l’huître s’ouvre et dévoile sa beauté
  • Une ouverture en 2 phases comme le montre la répétition  »s’y reprendre à plusieurs fois », c’est donc une ouverture difficile qui prend du temps.

> L’ouverture de l’huître est placée sous ellipse

3. Une description antithétique

  • Sublimation de l’huître, vocable noble  » halos »  »cieux »  »firmament »  »nacre », il élève au rang céleste un objet pourtant prosaïque, le poète transcende le monde du quotidien
  • Toutefois en passant à une description péjorative de l’huître avec le suffixe  »âtre » le poète nous renvoie à la réalité du mollusque. Le poète insiste ici sur la laideur pour en mieux faire ressortir la beauté
  • Cette disparition de la beauté se retrouve dans l’allitération en (s)  »cieux d’en dessous s’affaissent sur les cieux d’en dessus ». C’est l’effacement progressif d’un souffle : le monde du beau se referme et l’huître ne redevient qu’un simple objet prosaïque.

> L’ambition du poète est autre que la description d’une huître, en effet l’huître regorge d’un monde de beau qu’il faut ouvrir pour le découvrir.

 

> A travers la description méticuleuse d’une huître le poète veut nous montrer que chaque objet du quotidien mérite une attention particulière. L’huître est donc un être double qui sous une apparence laide produit la beauté. Ainsi sous des apparences descriptives, ce texte présente les caractéristiques d’un texte poétique.

 

UN POÈME A PORTÉE SYMBOLIQUE

  1. Correspondances entre l’huître et la forme du poème
  • Un poème en prose qui forme un gros bloc pouvant s’apparenter à la rigidité de l’huître, qui peut paraître difficile d’accès comme il est complexe d’entrer dans le monde poétique.
  • De plus on relève des correspondances avec les sonorités  »âtre » présent dans les mots « blanchâtres » « noirâtre » « verdâtre » et le titre  »huître » La forme de l’accent circonflexe pourrait renvoyer aux coquilles de l’huitre qui se ferment

> L’huître est élevée au rang du poème ainsi le quotidien devient poétique

2. Un poème métaphorique qui offre des pistes d’interprétation

  • Connivence entre poème et huître, allitération en k  » curieux s’y coupent s’y cassent ». absence d’harmonie qui rend la lecture laborieuse du poème tout comme l’ouverture d’une huître et l’accès au monde poétique
  • L’huître apparaît comme un objet mystérieux  »une formule perle » La formule pourrait renvoyer à un langage nouveau qu’il faudrait comprendre, le monde de la poésie et de l’huître est à déchiffrer
  • L’intérieur d’une huître est un monde riche comme le suggère le vocabulaire des sens goût  »à boire et à manger » odorat  »odeur » toucher  »visqueux », Pour ceux qui arrivent à ouvrir l’huître, c’est-à-dire à comprendre la poésie, un monde entier s’ouvre à eux

> A travers l’huître le poète montre le caractère précieux du poème

3. Le travail du poète

  • Un être supérieur, un travailleur ordinaire avec des outils simples  »couteaux »  »torchon » cpdt c’est grâce à cela qu’il arrive à faire ressortir la beauté d’un objet prosaïque
  • Importance donné à la parole jeu de mot sur « formule » et gosier qui renvoient tous deux à la parole. L’huître ne pouvant pas parler c’est le poète qui le fait à sa place, il prend son parti comme le suggéré le titre de son recueil, il veut prendre parole pour en montrer sa beauté et cela grâce à son travail de création.

> Le poème est une sorte d’allégorie/mise en abyme sur la création poétique, l’huître qui produit la perle serait alors le monde poétique.

 

> Le poème étudié présente la description précise d’une huître de manière à montrer sa beauté cachée. Ce texte illustre la volonté de Ponge à rendre compte de la richesse des choses grâce à sa création poétique. Il nous fait découvrir le merveilleux du quotidien. Baudelaire dans son poème  « la Charogne » se distingue également par sa modernité, il choisit en effet de prendre quelque chose considéré comme de laid et à en extraire la beauté grâce à la puissance de la poésie.

 

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